[Lettre de De La Croix à Lefèvre-Pontalis du 03 juin 1903]

Transcription

M. Lefèvre-Pontalis 13, rue Phalsbourg Paris

Poitiers le 3 juin 1903

Cher Monsieur et très-honoré Président,

Veuillez excuser mon retard. J'arrive d'un déplacement au théâtre des Bouchauds (Charente) et suis un peu fatigué. Cela vous explique le manque de réponse à votre bonne lettre du 30 dernier.

J'ai pris, vous n'en doutez pas, une bien vive part aux épreuves par lesquelles vous et Madame Lefèvre-Pontalis avez passés depuis quelques temps et je tiens à vous l'exprimer avec toute la cordialité que vous me connaissez.

A vous dire vrai, cher Président, la partie de votre bonne lettre, qui a trait au Congrès, me gêne et m'embarasse même pour y répondre.

La Commission locale d'organisation du Congrès, dont vous avez demandé la constitution, existe dans les délibérations du Conseil de notre Société ; elle a été lue en votre présence, et j'y ai même fait appel dans une autre circonstance ; mais, bref, ladite Commission n'a jamais été réunie, et même notre Président, qui en fait partie de droit, ne sait pas plus que nous, la manière dont Messieurs Alfred Richard et de la Bouralière ont agi jusqu'à ce jour ; ils se sont, à eux seuls, constitués Commission. C'est ce qui fait, que pour ma part, je me suis désintéressé, jusqu'à ce jour, de la situation, et ne me suis fait inscrire pour aucun des déplacements projetés.

Ne soyez pas étonné, cher Président, de ce désintéressement ; avouez que lorsque l'on sent que l'on est gênant, la charité demande qu'on se tienne à l'écard ; c'est ce que je me propose de faire. Mais vous pouvez toujours compter sur mon petit concours pour ce qui est du Baptistère St Jean. Mon étude sommaire sera, comme je vous l'ai promis, distribuée à tous les Congressistes, et je leur donnerai le temps nécessaire sur place, ainsi qu'en présence des moulages. Mais, les heures que vous avez bien voulu consacrer à l'inspection du monument, ainsi qu'à celle de ces reproductions, seraient peut-être bien longues, attendu que si les Congressistes prennent le soin de lire l'étude sommaire du Baptistère avant la visite du monument, mon rôle se résumerait à répondre à toutes les questions qui me seraient posées.

Vous pouriez donc peut-être consacrer une partie de cet après-midi à la visite d'autres édifices.

La Commission des Monuments Historiques, grâce aux démarches que vous et Monsieur de Villefosse, au nom du Comité des travaux historiques, avez faites auprès d'elle, a voté les fonds nécessaires pour un hangard,

Saut de page

sur les terrains de l'Hypogée ; mais toutes les formalités requises pour cette construction n'étant pas terminées, l'Hypogée se trouve encore invisible. Je vous donnerai de plus amples explications lorsque j'aurai l'avantage de vous voir.

Vous me demandez aussi, Mon Cher Président, si votre Société m'a décerné une de ses médailles ? Oui ; j'ai été honoré d'une médaille en vermeil, grand module en 1878, à la suite du Congrès du Mans, pour la découverte des Thermes Romains de Poitiers.

D'après cette question, d'après aussi quelques bruits qui sont arrivés jusqu'à moi, vous songeriez, peut-être, à me décerner de nouveau quelque récompense honorifique ? S'il en était ainsi, je vous dirais bien simplement, que tout en vous en conservant grande reconnaissance, j'en serais un peu gêné, attendu que celà occasionnerait quelques peines à mes honorables collègues, et vous savez combien j'ai à cœur l'harmonie entre les savants, où, les soit disant tels.

Dites bien, je vous prie, à mon excellent ami et ex-Président, Monsieur Héron de Villefosse, combien je suis heureux à la pensée de le revoir.

Ne m'en veuillez pas,Mon Cher Président, de cette lettre, car vous savez que je suis vieux, et que mon caractère très net, et très franc ne peut changer à mon âge, prenez la donc bonne part, et, croyez moi toujours votre très respectueusement dévoué, en N. S.

C. de la Croix s.j.