[Lettre de Quicherat à De La Croix du 07 février 1880]

Transcription

Ecole Nationale de Chartes

Palais des Archives Nationales

Rue des Francs-Bourgeois, 58

Paris, 7 février 1880

Mon révérend père,

Puisque Mr Laurière vous a parlé de la Communication que j'ai faite aux Antiquaires de France à mon retour de Poitiers, il a du vous dire qu'elle tendait à deux fins dont je ne me suis pas écarté un moment :

1° Vous faire donner acte de votre découverte par la Société qui en donnera la nouvelle dans son bulletin ; 2° livrer à la sagacité de nos philologues les notes dont n'ont pu venir à bout les efforts réunis des Poitevins et des Romains.

Personne n'ayant encore répondu à mon ouverture,

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je commence à craindre que grama groma ne soient de ces choses à propos desquelles il faut, comme on dit, jeter sa langue aux chiens.

Vous êtes né pour les fouilles, puisque partout où vous faites jouer la pioche, vous rencontrer quelque chose. Ce que vous me racontez de votre puits m'a fait dresser les oreilles. Aviez vous lu, avant de le vider, le livre des Puits funéraires ? Votre bibliothèque des Antiquaires de l'Ouest doit le posséder, attendu qu'il est l'ouvrage d'un poitevin, l'abbé Baudry, curé du Bernard près de Luçon. Or cet abbé, qui est aussi de ces fouilleurs que la chance favorise, a découvert sur sa paroisse un champ où les puits sont percés aussi dru que les trous d'une écumoire. Tout le monde voulait que se fussent des puits à eau desséchés et comblés ; l'abbé Baudry y vit des excavations pratiqués pour la sépulture

Saut de page

parce qu'il trouvait toujours au fond une ou plusieurs urnes cinéraires, et que le remblai avait été fait par dessus par couches régulières quoique avec des débris de toute sorte. Je me demande si ce n'était pas là aussi le cas de votre puits, tant je suis frappé par l'analogie de quelque uns des objets que vous me signalez avec ceux qu'on fournis les puits du Bernard.

Je vous fait mon compliment de la pénétration avec laquelle vous avez déchiffré l'un de vos graffites ; mais l'autre vous a complètement dérouté. Est-ce que vous ne savez pas que les galloromains ont souvent figuré la lettre E par deux traits droits I I, comme serait un H grec sans traverse ?

Donnez cette valeur aux deux traits qui suivent la lettre M de votre pierre, et vous verrez se former le mot MERCVRIO. Il y est, mon révérend père, en toute lettres.

Recevez l'expression de mes sentiments dévoués.

J Quicherat