[Lettre de Espérandieu à De La Croix du 10 mars 1888]

Transcription

10 mars 88 Poitiers buffet, 3h du matin Mon très Révérend Père, Deux mots au courant de la plume, en attendant le train de St Maixent, pour vous parler quelque peu des monnaies que vous avez bien voulu me confier. Des 7 qui m'ont été remises, 5 sont absolument sans valeur tout au plus quelques sous, mais il n'en est pas de même des deux autres. L'Anthemius est inédite et la marque du monétaire Ledaridus n'était pas connue. J'ai montré ces deux pièces aux

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Antiquaires de France, & dans l'intérêt même de leur vente j'en ai fait l'objet d'une communication. M. A. de Barthelemy les a vues et m'a prié de lui donner un article pour la Revue de numismatique, je le rédigerai demain ou après demain & je vous serais très reconnaissant si vous vouliez bien me faire connaître le lieu exact où elles ont été trouvées. Aux antiquaires, j'ai dit que vous les aviez découvertes à Poitiers même, mais je n'en étais pas absolument sûr. M. Chabouillet les avait vues aussi et les avait retenues pour le cabinet des médailles sans m'en offrir un prix quelconque. Il m'avait prié de les montrer préalablement à M. Fenardent

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qui mieux que personne en France est à même d'expertiser une pièce. M. Fenardent m'a dit ou à peu près ceci. Si j'achetais vos deux pièces je vous donnerais 50 fr de l'anthemius et une vingtaine de francs du monétaire parce que cette dernière n'a qu'un intérêt purement local, mais puisque vous avez l'occasion de les céder au Cabinet des Médailles, demandez-en 100 fr pièce, on vous les donnera peut-être. C'est là en effet le prix que j'ai demandé à M. Chabouillet et ce dernier après une minute de réflexion m'a dit que le cabinet pourrait les prendre à ce prix. Toutefois, il ne m'a pas donné d'argent. Le budget de l'Instruction publique n'est pas encore voté, vous le savez (on vote actuellement

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celui de l'agriculture)... et les 3/12e accordés au commencement de l'année sont dépensés et au-delà. Dans ces conditions le cabinet de Médailles n'a plus un sou de disponible, mais on vous écrira dès que le budget aura été voté par la chambre et le sénat. J'ai laissé les pièces en dépôt entre les mains de M. Chabouillet, elles sont étiquetées et placées dans une armoire spéciale où elles ne risquent pas d'être confondues avec les monnaies de la bibliothèque. J'ai fait pour le mieux et je vous le répète, je crois que j'ai tiré des deux pièces tout le parti qu'il était possible d'en tirer. La seule monnaie d'argent qui est citée dans Cahey est estimée 200 fr., mais outre qu'elle est à fleur de coin, et par suite bien supérieure à la vôtre comme netteté, M. Fenardent

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m'a déclaré que ce chiffre lui paraissait exorbitant, et que dans la nouvelle édition qu'il prépare (et dont les 6 premiers volumes sont publiés déjà), ce prix serait changé. Les monnaies d'or de cet empereur sont cotées de 50 à 100 francs. Je reviens donc de Paris, allégé de deux pièces, j'en ai 5 à votre disposition, je vous les enverrai par la poste, ou je vous les remettrai directement lors de notre prochaine entrevue, comme il vous emble préférable. Sur ce, je vous quitte, car le train va partir. Veuillez agréer mon très Révérend Père l'expression de mes sentiments les plus respectueusement dévoués et mes amitiés les plus cordiales Espérandieu